# Droit et monnaie

La monnaie légale et ses substituts

Que dit le droit à propos de la monnaie ?
  1. La monnaie que nous utilisons tous les jours n’est pas de la monnaie légale;

  2. Elle est un substitut monétaire de la monnaie légale, le Franc suisse;

  3. L’argent présent sur un compte de la banque UBS est donc un franc UBS ou un Bons d’achat UBS, de la monnaie privée, rien d’autre;

  4. Les avoirs à vue en francs CHF déposés auprès de banques commerciales ne sont pas garantis ni par la BNS ni par la Confédération;

De quelle nature est la monnaie suisse ? Allons voir du côté de la loi pour le savoir. L’article 2 de la Loi fédérale sur l’unité monétaire et les moyens de paiement (LUMMP) nous dit :

Art. 2 Les moyens de paiement légaux sont:

  1. les espèces métalliques émises par la Confédération;

  2. les billets de banque émis par la Banque nationale suisse;

  3. les avoirs à vue en francs auprès de la Banque nationale suisse.

« Euh…​ mais on ne paie pas de plus en plus avec de la monnaie électronique ? La monnaie scripturale [1], les substituts monétaires [2] (BAB) y’a pas ? » Et bien non. Ce n’est pas un moyen de paiement légal en Suisse. Au point 214 du Message du 26 mai 1999 concernant la loi fédérale sur l’unité monétaire et les moyens de paiement (LUMMP) (objet 99.051), il est écrit :

« Tant que l’Etat n’instaure pas de système général de protection de tous les avoirs bancaires (ce qui est conforme à l’économie de marché), il ne peut pas non plus déclarer la monnaie scripturale des banques commerciales moyen de paiement ayant cours légal, accepté obligatoirement par les créanciers d’une dette d’argent. »

Le 16 mars 2012 , Monsieur Müller Geri interpelle (objet 12.3305) le Conseil Fédérale sur ce fait et la création monétaire en général. Voici des extraits de sa réponse. Nous vous invitons à lire l’interpellation en entier. Ce n’est pas long.

« 1. […​] Contrairement aux moyens de paiement légaux, nul n’est tenu d’accepter la monnaie scripturale des banques, à moins qu’un tel moyen de paiement ait été convenu par contrat, ou que les circonstances (l’usage) ou une disposition légale particulière l’exigent. »

Si nous comprenons bien, la monnaie scripturale, donc les substituts monétaires (BAB [3]) n’est pas un moyen de paiement légal. Mais elle est autorisée parce que c’est l’usage et que ça se fait depuis des siècles. Nous ne voyions pas le droit de cette façon là !

« 2. L’argent au sens du droit constitutionnel ne comprend pas la monnaie scripturale des banques qui, contrairement aux avoirs à vue auprès de la BNS, connaît un risque d’insolvabilité. La croissance des substituts monétaires est laissée à la libre appréciation des marchés, conformément à la conception du secteur privé ancrée dans la Constitution. La Confédération a toutefois la possibilité, dans le cadre de sa compétence législative, d’intervenir contre les développements qui échappent au contrôle du processus de création monétaire exercé par la BNS, ou qui sont susceptibles de miner d’une autre manière la confiance placée dans le numéraire émis par l’Etat. Le législateur a limité les possibilités des banques de créer de la monnaie scripturale, par le biais de dispositions légales régissant les réserves minimales, ainsi que par les prescriptions relatives aux fonds propres et aux liquidités inscrites dans la loi sur les banques. »

De plus, on nous répond que la Confédération et le BNS ne garantissent pas cette monnaie scripturale. Ainsi, si nous acceptons la monnaie scripturale et que le système s'écroule, c’est pour notre poche [4]. Sympa ! Bon la Confédération rajoutent tout de même qu’elle a les moyens d’intervenir sur les substituts monétaires si tout ça leur échappe. Notamment avec les réserves minimales et les prescriptions sur les fonds propres (ratio de Cook) et les liquidités. Nous voilà rassurés !

« 3. […​] la population est consciente que les avoirs à vue en francs déposés auprès de banques ne sont pas garantis par la BNS. »

Vous n'étiez pas au courant ? Et bien sachez que nul n’est censé ignorer la loi. Mais rassurez-vous vous n'êtes pas les seuls. En effet, « selon un sondage effectué dans le cadre d’un travail de Master à l’Université de Zurich, seuls 13% des personnes interrogées savaient que des banques d’affaires privées produisaient également de l’argent par le biais de crédits » R1 R2.

« 4. Conformément à la conception du secteur privé ancrée dans la Constitution, la croissance des substituts monétaires est laissée à la libre appréciation des marchés. En acceptant les dépôts du public et en octroyant des crédits, les banques remplissent leur fonction principale et essentielle pour l'économie d’intermédiaires entre épargnants et emprunteurs. […​] »

Ainsi, la Confédération nous apprend clairement que conformément à la Constitution (Article 94), ce sont les marchés privés qui décident (et donc les banques commerciales). De plus, grâce à cela, les banques commerciales remplissent leur « fonction principale et essentielle pour l'économie d’intermédiaires entre épargnants et emprunteurs ». Le système bancaire décrit dans ces articles vous semble être une fonction « d’intermédiaires entre épargnants et emprunteurs » ? Nous vous laissons le soin de vous faire votre propre jugement.

Par essence, la création monétaire ex nihilo (à partir de rien) que pratiquent les banques est semblable, je n’hésite pas à le dire pour que les gens comprennent bien ce qui est en jeu ici, à la fabrication de monnaie par des faux-monnayeurs, si justement réprimée par la loi. Concrètement elle aboutit aux mêmes résultats. La seule différence est que ceux qui en profitent sont différents
— Maurice Allais
Prix Nobel de Sciences Economiques

Comme nous l’avons évoqué précédement dans l’article D'où vient la monnaie ?, les Bons d’achat bancaires est un substitut monétaire de la monnaie légale, le Franc suisse. L’argent présent sur un compte de la banque UBS est donc un franc UBS ou un Bons d’achat UBS, rien d’autre. Ainsi, lorsque l’on paie avec un moyen électronique, on le fait avec un substitut monétaire, de la monnaie privée !

  1. La monnaie que nous utilisons tous les jours n’est pas de la monnaie légale;

  2. Elle est un substitut monétaire de la monnaie légale : pièces de monnaies, billets de banques et avoirs à vue auprès de la BNS;

  3. L’argent présent sur un compte de la banque Raiffeisen est donc un franc Raiffeisen ou un Bons d’achat Raiffeisen, de la monnaie privée émanant de la Raiffeisen, rien d’autre;

  4. Les avoirs à vue en francs CHF déposés auprès de banques commerciales ne sont pas garantis ni par la BNS ni par la Confédération, car ils ne sont pas des moyens de paiements légaux;

Références


1. Monnaie totalement dématérialisée qui n’existe que sous forme d'écritures comptables (de nos jours, inscrites dans la mémoire d’un ordinateur) et qui est constituée par l’ensemble des dépôts dans les banques et autres institutions financières. La monnaie scripturale circule par simples jeux d'écritures (électroniques de plus en plus souvent) entre comptes. Elle circule grâce à divers instruments de transfert de fonds (ex. : le chèque, le virement, l’avis de prélèvement, la traite, la carte de crédit, la carte de débit). [→ Banque du Canada
2. Substituts monétaires: C’est ainsi que le conseil fédéral appelle les monnaies qui ne sont pas de la monnaie ayant cours légal (plus de 90% du CHF). Ce mot substitut renvoie à l’idée que la chose échangée ne serait pas la monnaie elle-même. Donc que la monnaie bancaire n’est pas de la "vrai" monnaie. → Wikiberal, Eauli, aaa+
3. Bon d’achat bancaire (BAB) : terme utilisé pour traduire la véritable nature de notre monnaie. C’est un "bon cadeau" émis par une banque et accepté comme moyen de paiement dans l’ensemble de l'économie.
4. La Confédération avoue donc que nos avoir en banque (les comptes de clients) ne sont pas sûrs. Voir l’article Mon argent est-il en sécurité ? pour en savoir plus.
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